L'usine
abandonnée
de Pierre Verny
Le regard de Pierre
Verny est tout de pudeur retenue.
La clarté y émerge de l'ombre, simplement.
Ce qu'il nous
montre à voir c'est un constat,
et en même temps un paysage d'affection.
La lumière se fait impalpablement
à cette poussière palpable du temps.
Elle recueille la vie laissée en suspens.
C'est la vie, et on ne sait plus que c'est la vie.
Ce sont des traces, entrées dans la mémoire,
des signes recueillis avec pudeur.
Ce sont des indices,
suggérés par son regard lumineux d'enfant,
la suggestion merveilleuse de la continuité du monde,
même après sa disparition.
Pierre Verny est entré dans l'usine abandonnée
sur la pointe des pieds,
sans effraction, comme la lumière.
Avec son regard, il ne cerne pas les objets,
mais les absorbe.
C'est très profond ce que nous ressentons.
Avec son regard, il entre dans le silence,
le fait vibrer de sa propre présence,
tranquille et calme.
Pierre Verny,
c'est ce qui reste du langage
avant les mots.
Ce que nous avons dans notre propre regard,
c'est l'inaltérable.
L'usine a été rasée,
mais les objets sont là, infiniment.
Leur présence, au delà de l'abandon,
dans leur solitude tremblante d'émotion.
Le silence.
Ce n'est pas le
silence, c'est la main.
C'est la main de l'ouvrier,
qu'il fait naître derrière la réalité apparente
de ces objets,
qu'il a installée dans son regard.
La main de l'ouvrier
qui écrit la fin de l'histoire.
François
Perche, écrivain
photographies
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